Avec Mes Cent Contes Mortels, Anji Matono revisite le Hyakumonogatari, un jeu japonais qui consiste à raconter cent histoires d’horreur. Le manga détourne ce rituel traditionnel pour en faire un récit glaçant. Yûma est sur le point de mettre fin à ses jours, lorsqu’Hina, sa camarade de classe, l’arrête in extremis. Désormais, il racontera chaque soir un nouveau récit terrifiant depuis sa chambre. Cent histoires pour peut-être comprendre ce qui le retient encore à la vie.


Le manga adopte une structure fixe et précise, qui devient l’un de ses ressorts narratifs les plus efficaces. Chaque tome rassemble dix histoires, chacune composée d’un prologue, d’un récit principal, puis d’un court épilogue. Ce dispositif instaure une mise en scène récurrente, presque théâtrale.
L’anthologie est courte, efficace, parfois fulgurante. Certaines histoires se bouclent en quelques pages, avec une chute simple ou une conclusion ouverte, similaire à certaines légendes urbaines. D’autres frappent plus fort grâce à un sens du rythme impeccable, une tension parfaitement dosée et un découpage millimétré. Toutes ne sont pas marquantes, mais la régularité du procédé rend le lecteur curieux de savoir ce qui se cache derrière la page suivante.
La grande force de cette série réside dans la variété des horreurs convoquées. Fantômes, malédictions et présences indistinctes surgissent d’éléments du quotidien : une boîte aux lettres, une livraison tardive, un policier qui frappe à la porte. Parfois, l’horreur devient psychologique, nourrie de jalousie ou de paranoïa. Parfois, elle est humaine, crue, douloureusement plausible. D’autres fois encore, le récit se laisse envahir la horror body. Quelques touches d’humour noir se glissent parfois pour relâcher la tension… ou la resserrer encore davantage.
Le dessin accompagne cette montée progressive de l’angoisse. Les traits qui paraissaient légers au début, se durcissent et l’encrage s’épaissit. La mise en scène varie constamment, alternant horreur suggérée, affrontement direct ou crescendo suffocant. Le malaise ne vient pas seulement des histoires racontées, mais de la manière dont elles se déploient visuellement, jusqu’à envahir les pages.
Au-delà de l’anthologie, une autre histoire se dessine en filigrane : celle de Yûma. Il sert de narrateur, mais aussi de guide, peut-être même de victime. Plusieurs questions demeurent en suspens. Pourquoi voulait-il mourir ce jour-là ? Que se passe-t-il dans son foyer ? À qui s’adresse-t-il réellement lorsqu’il parle dans sa chambre ? Et surtout… que se passera-t-il quand le centième conte sera terminé ? Cette ouverture narrative donne au manga une profondeur inattendue, comme si chaque histoire horrifique était une porte vers sa propre vérité.
Mes Cent Contes Mortels capte l’essence du surnaturel japonais et l’enferme dans une chambre d’enfant. À mesure que les récits s’accumulent, le lecteur ne sait plus très bien si c’est l’horreur qui progresse ou l’état d’âme de celui qui la raconte. Une anthologie maîtrisée, intrigante et parfois glaçante, qui laisse entrevoir un mystère plus intime. Et si les cent contes n’étaient pas seulement un jeu, mais une façon détournée de ne pas sombrer ?
Remerciements à Akata pour le service presse









