Notre avis sur le manga Blood Crawling Princess

07/10/2025 • 08:08 • Eri

Publié par les éditions Kurokawa, Blood Crawling Princess est une série sombre et viscérale qui s’ouvre sur les ruines d’un royaume réduit en cendres, pour suivre la métamorphose glaçante d’une jeune femme brisée en instrument de vengeance. Entre douleur crue et tension permanente, le manga de Yuki Azumi impose un ton radical, où la violence n’est jamais gratuite mais toujours signifiante.

Evita, jeune princesse de Batalia, voit son monde s’effondrer dans un bain de sang, sa famille massacrée sous ses yeux, ses terres réduites en cendres. Seule survivante, elle est capturée, vendue, puis rebaptisée Priscilla dans une maison close. Au cœur de ce cauchemar, et malgré l’humiliation quotidienne, une promesse intime demeure : « vis coûte que coûte »…

manga : blood crawling princess
blood crawling princess

Sous ses allures de fable tragique, Blood Crawling Princess plonge sans détour dans une noirceur extrême. Le massacre inaugural, l’effondrement brutal d’un monde connu, puis l’enfer quotidien d’un corps traité comme un objet, composent une tragédie en plusieurs actes où chaque scène semble sculptée dans la douleur. Evita, héroïne brisée mais encore debout, avance dans la crasse et le sang avec une seule pensée en tête : survivre.

Le manga n’offre aucun répit. La violence est frontale, physique comme psychologique, et la tension ne faiblit jamais. Dès les premières pages, l’avertissement éditorial est justifié. Viol, humiliation, torture : rien n’est édulcoré. Et pourtant, jamais Yuki Azumi ne cède à la facilité. Il n’y a ni complaisance ni érotisation dans cette mise en scène brutale. Tout est pensé pour provoquer une réaction viscérale, pour rappeler que la violence détruit, déforme, broie, mais peut aussi réveiller une rage dormante.

Au cœur de cette désolation, Evita devient une figure fascinante. Derrière le masque de la prostituée, elle dissimule une volonté inébranlable. Observatrice, calculatrice, elle fait de son corps, autrefois symbole de soumission, un outil. Et peu à peu, une question surgit : jusqu’où peut-elle aller sans se perdre elle-même ?

Charismatique, glaçante, complexe, Evita fascine parce qu’elle dérange. Elle incarne à la fois la victime et le bourreau, la douceur d’un passé effacé et la froideur d’un présent maîtrisé. Loin des héroïnes classiques, elle impose un nouveau regard sur la résistance, la féminité et le pouvoir.

Visuellement, le manga appuie son propos avec une force troublante. Le noir et blanc tranché, les cadrages serrés, les silences pesants donnent au récit une texture presque suffocante. Chaque planche porte les traces de la violence. Chaque détail participe à l’instauration d’un malaise palpable. La lenteur du rythme renforce cette atmosphère étouffante, faisant de chaque scène un face-à-face direct avec l’horreur.

Blood Crawling Princess est une œuvre sans concession, qui refuse les demi-mesures. Elle ne cherche ni à choquer gratuitement, ni à édulcorer pour rassurer. Ce qu’elle propose, c’est une lecture cathartique, crue, féministe dans sa radicalité, et habitée par une maîtrise artistique indéniable. La douleur n’y est jamais gratuite. Elle est moteur, déclencheur, et peut-être, un jour, porte de sortie.

Une série à suivre de près, pour voir si la mangaka parvient à transformer la souffrance en sens, et la vengeance en libération.

Remerciements à Kurokawa pour l’envoi du service presse.